L'un ou l'autre

Mélangeant diverses utilisations de la photographie, soient les prises de vues commerciales des années soixante dix (sur fond imagé de paysages ou environnements de toutes sortes), les photos d’identification et l’esthétique de la photographie touristique, j’ai invité des inconnus (quatre-vingts) à prendre place devant ce fond. Cet environnement commun, qui ne révélait rien d’eux, met l’accent sur leur présence dans cet endroit distinct, où le lieu devient intemporel et «permanent», contrairement à l’individu.

Tous ces autres sont l’illustration des divers visages, des rencontres potentielles envisageables pour la figure principale du projet : L’un ou l’autre. Cette image, qui est jumelée aux portraits, utilise le même paysage, celui d’un vaste champ, sans présence humaine, avec, placé devant, un témoin, une personne de dos, un canevas. Elle reprend des idées et des inspirations de l’époque romantique (plus précisément, de Gaspar Davis Friedrich, Le voyageur contemplant une mer de nuages), afin de présenter une énigme du monde réel où la place du modèle est centrale. Elle utilise un paysage – idéalisé – aux couleurs locales, pour suggérer une mélancolie du présent, une nostalgie, sans indice d’un futur, où l’individu est le centre du monde, de l’image.

Ce projet montre différents temps : la prise de vue extérieure avec le modèle de dos, la prise de vue intérieure avec le paysage de base et le présent immersif de la contemplation. L’image de base – le paysage – est légèrement manipulée numériquement, ce qui joue sur l’ambiguïté des prises de vue… Qui était où et quand? Laquelle des images est vraie, fidèle à la réalité ? Y en a-t-il seulement une qui le soit?

       

De plus, une installation vidéo a été réalisée à partir de la séance photo. Deux vidéos projetées en boucle, dos à dos sur une toile semi-transparente à la hauteur du regardeur. L’une comprenant l’instant de la pose de chaque modèle, l’un après l’autre, et l’autre la superposition du va et vient de tous les sujets. De cette façon, les deux projections se contaminent et se complètent en superposant la silhouette du spectateur, questionnant ainsi la notion de présence et l’interaction avec l’œuvre proposée.

Centre culturel de Verdun. Montréal, 2009-2010.